Lettre à Mme. Retailleau
Léna Raud, Secrétaire Nationale , Union des Étudiantes et Étudiants Communistes
Madame Sylvie Retailleau, Ministre de l’Enseignement Supérieur et la Recherche1 rue Descartes, 75231 Paris cedex 05
Paris,
Le 25 juin 2024,
Objet : demande d’audience
Madame la Ministre,
En cette fin d’année universitaire et dans la période que nous connaissons, je souhaitais vous adresser ce courrier.
Le ministère, que vous dirigez, est sûrement l’un des plus importants. Il forme la jeunesse de France à faire face aux défis économiques, écologiques et sociaux de notre temps. Dans cette perspective d’émancipation de la jeunesse qui nous tient à cœur, nous sommes inquiets des politiques d’austérité et de sélection mises en place.
En réaction aux résultats Mon Master, les Étudiants Communistes ont décidé de lancer un grand questionnaire. L’objectif était d’interroger les jeunes sur les conditions et leur expérience de leur passage sur la plateforme Mon Master.
Voici quelques témoignages que nous avons reçus :
“J’ai eu mon bac mention très bien, j’avais 17 de moyenne en terminale. J’ai eu ma licence en trois ans donc sans redoublement dans la fac jugée la meilleure de France (Paris Panthéon Assas) et ce malgré d’importants problèmes de santé en L1. J’ai 11 de moyenne dans toute la licence, 3 stages et un job étudiant. Malgré tout cela je n’ai aucun Master. Je suis trop loin sur les listes d’attente pour obtenir quelque chose. C’est injuste et incompréhensible. Je souhaite passer le concours de l’ENM si je n’ai pas de Master je ne pourrais pas le faire. En effet, il faut avoir un niveau M1 pour remplir les conditions d’accès au concours. Sans master je vais devoir totalement changer mon projet professionnel, la licence de droit simple n’ouvrant pas beaucoup de portes lorsqu’elle n’est pas poursuivie d’un Master.”
Mathis
“Attente longue et difficile, car c’est la 2e fois que je postule sur la plate-forme. J’ai passé une année difficile malgré des recours gracieux, rectorat et contentieux pour enfin de compte pas faire valoir ses droits à la poursuite d’étude. Cela engendre un stress énorme… des classements très hétérogènes et dans toute la France pour être rien avoir à la fin… oui ça remet en question sa confiance en soi, notre avenir professionnel et la valeur d’une licence recherche en biologie. Une licence de recherche en biologie n’est pas faite pour s’insérer directement dans le monde du travail … si on fait le choix d’aller en recherche, c’est pour continuer en master voire même en doctorat.”
Manon
“Très mal. J’ai pleuré toute la journée. J’ai pourtant fourni des efforts, je me suis engagée dans la vie associative de la fac, j’ai développé mon carnet d’adresses et je suis sortante de la première faculté juridique de France mais visiblement c’est inutile. Forcément que je remets en question mon projet professionnel parce que j’ai choisi et formulé des vœux pour les masters qui allaient me spécialiser dans les domaines que j’aime et qui sont nécessaires à mon parcours professionnel. Je remets en doute mes capacités à réussir et devenir ce que je veux être. Merci mon master pour avoir ruiné mon rêve et mes espoirs en une matinée.”
Leïla
“L’attente est une torture psychologique. Étant atteinte de trouble anxieux généralisé cette période est vraiment compliquée à vivre, depuis que la plate-forme à ouvert je ne dors plus la nuit. Mon premier vœu dans ma propre université à été refusé, je me sens très mal, je ne comprend pas le motif du refus. Je cherche des solutions partout mais je n’en vois pas, personne (les référents du master) ne répond à mes mails, je me sens plus que seule face à ce refus. Je suis sur liste d’attente partout et je sais que j’aurais aucun master l’année prochaine, c’est terrifiant. Mon.projet d’avenir a été détruit le matin du 4 juin.”
Louane
Ce ne sont que quatre parmi plusieurs centaines. Tous sont unanimes, la sélection est une source de stress et est vécue comme une injustice très forte.
Votre choix de sélectionner à partir des notes, de l’orientation, des activités extrascolaires ou encore de l’université d’origine, vous renvoyez chaque jeune à sa condition sociale, au mépris de la promesse républicaine d’égalité faite par la France.
Pourtant, le réchauffement climatique, les inégalités et la construction d’un monde de paix sont autant de défis à relever qui nécessitent la jeunesse la mieux formée possible. Depuis des années, nous militons auprès de nos camarades de promotion et voyons la violence avec laquelle s’effectue cette sélection.
De même, la précarité étudiante constitue une deuxième préoccupation de notre organisation. En forte augmentation, elle oblige bon nombre des étudiants et étudiantes interrogé·e·s à arrêter leurs études faute de moyens. Attendre deux ou trois ans pour obtenir un master, ce n’est pas une chose aisée pour tous les étudiants et toutes les étudiantes.
La réforme des bourses que vous avez évoqué il y a maintenant plusieurs années est devenue une urgence pour beaucoup. L’absence d’information sur son contenu laisse planer une incompréhension et une inquiétude.
Madame la Ministre, en cette période trouble où le Rassemblement Nationale pourrait arriver au pouvoir, l’heure est au progrès social. Cela passe nécessairement par l’abandon de la sélection ainsi que la mise en place d’une allocation d’autonomie.
Aussi, je sollicite auprès de vous une rencontre, dans une perspective d’échange sur ces deux sujets, mais également afin que je puisse vous présenter les propositions des Jeunes communistes.
Assurée de l’intérêt que vous portez à ce sujet, je vous remercie pour l’attention que vous voudrez bien réserver à ma demande.